PRESSE / MEDIAS

VAUCLUSE – LE DAUPHINE.COM – Y’A PAS GRAND CHOSE QUI ME REVOLTE POUR LE MOMENT

Y’A PAS GRAND CHOSE QUI ME REVOLTE POUR LE MOMENT

Amis festivaliers, vous qui venez à Avignon en quête d’un spectacle aussi absurde que décalé, foncez voir ‘‘Y’a pas grand chose qui me révolte pour le moment’’. Vous serez accueillis dans un appartement vintage à la table de trois cow boys qui préparent un repas de fête à base de chips et d’Apéricubes.

Il semble que le retour de Nicholas, mystérieusement disparu, perturbe l’ordre établi. Il y a de l’hypocrisie dans l’air ! On se contient, on remplit le vide, on ne s’entend pas et soudain c’est l’explosion. On touche au surréalisme et on efface l’espace temps pour se laisser emporter par cette allégorie familiale aussi jouissive que cruelle.

Cette mise en abyme est portée par trois artistes époustouflants servis par une mise en scène mouvante. Le son est aussi un élément qui joue sur l’ambiance de ce petit bijou déjanté.

Une écriture tendue qui sert très bien les comédiens !
La Manufacture. Jusqu’au 24 juillet à 15h35. Durée : 1h45. Relâche les 11 et 18.

8 JUILLET 2019 | PAR Céline ZUG

PLUS DE OFF – GUILLAUME, JEAN-LUC, LAURENT ET LA JOURNALISTE

GUILLAUME, JEAN-LUC, LAURENT ET LA JOURNALISTE, au Théâtre du Train Bleu

Jeanne Lazar, auteure et metteure en scène de GUILLAUME, JEAN-LUC, LAURENT ET LA JOURNALISTE, aime la littérature. C’est d’ailleurs la littérature qui l’a amenée vers le théâtre. Et ses textes la font revenir, pour le moment, vers la littérature. Avant Guillaume Dustan ce fut Hervé Guibert, bientôt sans doute Nelly Arcan. Des écrivains que, pour aller vite, on pourrait qualifier de maudits. L’œuvre de Dustan, tant sur papier que sur écran, fait aujourd’hui l’objet d’une redécouverte, au Théâtre du Petit Saint-Martin par exemple, tandis qu’elle était devenue inaudible du vivant de son auteur.

Jeanne Lazar fait partie d’une (jeune) génération qui aborde Dustan munie de ses propres clés de lecture, une génération peut-être plus Dustan-compatible que les précédentes, comme si Dustan avait été en avance sur son temps. Dans sa pièce, elle a l’intelligence d’éviter le piège d’une réhabilitation à tout crin. Il ne s’agit pas de le placer sur un piédestal, mais de lui accorder l’espace d’expression que la télévision, qui l’invitait pour le buzz, lui refusait une fois au plateau. Entre reconstitution et réécriture, la pièce commence avec une émission littéraire, trois écrivains, dont Dustan, et une journaliste, qui annonce fièrement que l’on peut tout y dire. Il n’en est d’abord rien, et resurgit le fantôme du Guillaume Dustan désorienté chez Dechavanne ou Ardisson. Avant qu’il ne se rebelle… Une pièce bien écrite, mesurée et intéressante par son atmosphère de flottement où se tapit la mort. Les oreilles trop chastes s’abstiendront.

7 JUILLET 2019 | PAR WALTER GÉHIN

LA CROIX – ÊTRE LÀ – VINCENT ECREPONT

« Être là », de Vincent Ecrepont

Que dire, que faire face à des parents vieillissants ? Artiste associé à la Comédie de Picardie, Vincent Ecrepont se saisit délicatement, mais sans détour, de cette question aussi actuelle que déchirante. Trois comédiens, deux femmes et un homme, jouent à la fois les enfants inquiets et leurs aînés diminués par l’âge ou la maladie. Les premiers, devenus les parents de leurs parents, sont à la fois affligés et soulagés quand s’ouvre la perspective d’un placement en maison de retraite. Les seconds, déboussolés, parfois révoltés, ont l’impression qu’on les pousse vers la sortie… Alors que dire, que faire pour les aider, sinon les écouter ? Être là.

Sans s’interdire l’humour, cette pièce, bâtie à partir de témoignages recueillis au Centre Hospitalier de Beauvais, suggère que ces personnes fragilisées, poussées aux marges d’une société valorisant l’utilité et la performance, ne sauraient être traitées en quantité négligeable.

Présence Pasteur, jusqu’au 28 juillet à 16h30. Rens. : 04.32.74.18.54.

7 Juillet 2019 | par Jeanne Ferney

LA TERRASSE – VILAIN ! ALEXIS ARMENGOL

ENTRETIEN / ALEXIS ARMENGOL
11 – GILGAMESH BELLEVILLE / TEXTE, CONCEPTION ET MES ALEXIS ARMENGOL / À PARTIR DE 9 ANS

Le metteur en scène Alexis Armengol revisite le conte du Vilain Petit Canard. Une réflexion sur le rebond et la résilience : pour tout public à partir de 9 ans.

Qui est Zoé, le personnage central de Vilain ! ?

Alexis Armengol : Zoé est orpheline. Ce personnage imaginaire, né de lectures, s’inspire lointainement de L’enfance nue de Pialat. Il jaillit sur le plateau grâce au travail clownesque de Nelly Pulicani. Zoé se raconte à travers le conte du Vilain Petit Canard, qu’elle a lu plus de 100 fois. Elle se voit dedans, fragmentée, trouve son chemin à travers la parole, mais parle trop vite ! S’emballe ! À la fois dépassée par les évènements et rattrapée par les invisibles, elle toupille jusqu’à sa métamorphose.

Quel regard portez-vous, à travers cette création, sur le conte d’Andersen ?

A. A. : Dans le conte, le vilain petit canard se révèle finalement être d’une autre espèce. C’est un cygne. Zoé, elle, est et restera humaine. C’est à partir de là qu’elle doit s’inventer. Elle découvrira qu’elle est constituée de souvenirs, d’obscurités, d’amitiés, d’objets, de musiques, de ce conte et d’autres. Les contes sont constitutifs de nos vies si l’on parvient à les réanimer.

Vous mettez en résonance Le Vilain Petit Canard avec l’écriture de Boris Cyrulnik…

A. A. : Je me suis intéressé à ce conte d’Andersen après avoir lu Les Vilains Petits Canards de Boris Cyrulnik. Ses écrits sur la résilience ont été une source précieuse d’inspiration et d’orientation pour me créer un imaginaire autour du rebond, de la métamorphose, d’une deuxième naissance libératrice.

Quelle vision du théâtre tout public votre spectacle traduit-il ?

A. A. : Nous voulions créer une pièce tout public à partir de 9 ans. Que chacun, côte à côte, y retrouve quelque chose. Ce n’est pas rien de tenter de réunir plusieurs générations de regards. C’est notre joyeux pari. Il passe par une libération de nos pratiques scéniques, ainsi que par des croisements fantaisistes et sensibles entre le dessin, la vidéo, le jeu et la musique. Vilain ! est notre troisième création tout public. Nous avons, au cours de nos précédentes tournées en France, rencontré beaucoup d’enfants. La richesse de leur imaginaire a, quelques fois, de quoi nous rendre jaloux. On entend dire : « le jeune public, c’est important, c’est le public de demain ». Non. C’est avant tout le public d’aujourd’hui. A l’instant présent de la représentation.

23 JUIN 2019 | Entretien réalisé par Manuel Piolat Soleymat

PLUS DE OFF – GUILLAUME, JEAN-LUC, LAURENT ET LA JOURNALISTE

GUILLAUME, JEAN-LUC, LAURENT ET LA JOURNALISTE, au Théâtre du Train Bleu / PRONOM, au 11 Gilgamesh Belleville : entretien avec Jeanne Lazar

Elle met en scène (et joue dans) GUILLAUME, JEAN-LUC, LAURENT ET LA JOURNALISTE, pièce programmée au Théâtre du Train Bleu lors du Festival d’Avignon off 2019, et joue dans PRONOM (que met en scène Guillaume Doucet), au 11 Gilgamesh Belleville. Jeanne Lazar répond aux questions de PLUSDEOFF. 

 

« Jeanne, pour quelles raisons vous êtes-vous intéressée à Guillaume Dustan, dans Guillaume, Jean-Luc, Laurent et la journaliste, après Hervé Guibert dans À l’ami qui ne m’a pas sauvé la vie, autre écrivain qui était atteint par le virus du sida ?

— Ce qui m’intéresse particulièrement chez ces deux auteurs, c’est l’autofiction, le fait de parler de soi, du réel, de personnes qui ont vraiment existé. Cet intérêt est amplifié par le fait qu’ils ont été atteints par le sida. Tout ce qu’ils vivent est rendu plus intense par la présence de la maladie, ce qui m’intéresse davantage que l’écriture sur la maladie en elle-même. Hervé Guibert et Guillaume Dustan sont très différents dans la manière d’appréhender la littérature. Dustan a été pour moi une révélation de liberté. Se dire que l’on peut devenir écrivain sans respecter qui que ce soit, en étant à la fois un intellectuel et quelqu’un de la nuit.

— La polémique entretenue autour de certaines déclarations de Guillaume Dustan est-elle encore suffisamment vivace pour avoir compliqué votre projet de créer une pièce parlant de cet auteur ?

— Quand j’ai commencé l’adaptation de Guillaume Dustan, tout son discours autour du préservatif et du bareback me perturbait beaucoup. Même si ses prises de position lui ont valu d’être détesté par certains, je n’ai pas voulu mettre cela sous le tapis. Il est arrivé, très rarement, que l’on me dise que ce n’était pas possible de monter une pièce sur Guillaume Dustan. Mais, le plus souvent, mon projet a suscité de la curiosité. On voulait savoir comment j’allais aborder le sujet. J’ai l’impression que Guillaume Dustan commence à être compris par un plus grand nombre, qu’il est plus audible, notamment pour les vingtenaires et les trentenaires actuels, comme si de son vivant, Guillaume Dustan avait été en avance sur certaines choses. Je pense qu’il va devenir un classique.

— Si l’on peut être dérangé par certains propos qu’y a tenus Guillaume Dustan, ce qui est frappant dans les talk shows auxquels il a participé, que cela soit chez Dechavanne ou Ardisson, c’est la violence du procédé utilisé à son encontre, comme s’il comparaissait devant un tribunal. Selon vous, pourquoi Guillaume Dustan allait-il s’enferrer dans ce type d’émission ?

— La première fois que j’ai regardé ces émissions, j’ai eu l’impression que le Guillaume Dustan qui était en plateau n’était pas la même personne que celle qui écrivait de manière si légère et si intense. Je pense qu’il participait à ces émissions avec la volonté d’un partage et d’une démocratisation d’une contre-culture, ce que je trouve très généreux. Peut-être a-t-il endossé le rôle de provocateur, de diable, parce que c’est le rôle qu’on lui donnait. Dans ce type d’émission, il y a beaucoup d’hypocrisie. On parle de sujets de société comme la drogue, ou le sexe, mais dès que l’invité déborde, on prend une posture moralisatrice pour le détruire. La morale de celui qui décide de ce que l’on peut dire et de ce que l’on ne peut pas dire m’a donné envie de m’intéresser à la télévision. La pièce a comme cadre une émission de télévision à laquelle participe Guillaume Dustan. Je me suis demandé quelle émission de télévision cela pourrait être. Je ne voulais pas en faire quelque chose de vulgaire. J’avais envie d’une émission où l’on peut entendre l’écrivain et des contradicteurs conscients et intéressants. Une émission rêvée, où la violence est là, parce que le cadre télévisuel est par nature violent, mais où chacun peut être entendu. À la fin, c’est l’écrivain qui gagne. Cela m’importait beaucoup.

— Dans la pièce, comment restituez-vous la parole de Guillaume Dustan ?

— La pièce est l’adaptation d’un roman de Guillaume Dustan, Je sors ce soir. Guillaume Dustan passe une soirée à La Loco, où il retrouve des amis. Il se souvient d’un ami qui vient de mourir du sida. J’ai instillé des éléments du roman dans l’émission. Concrètement, il y a quatre personnages, dont Guillaume, qui est le personnage qui représente Guillaume Dustan, un Guillaume Dustan fantasmé, sans volonté de faire son biopic. Les autres écrivains présents sur le plateau, Jean-Luc et Laurent, empruntent les propos d’invités d’émissions qui ont vraiment existé, d’écrivains qui existent vraiment, et aussi de personnages de Je sors ce soir. Parfois, ils empruntent aussi des propos qu’a tenus Guillaume Dustan. Tout le monde est un peu Guillaume Dustan dans la pièce. Même si les quatre personnages sont très différents, la parole de Guillaume Dustan voyage. La journaliste, que je joue, est à la fois moi, qui pose des questions, et aussi une admiratrice de Guillaume Dustan et des deux autres écrivains qu’elle a invités. Mais elle n’oublie pas sa fonction. Elle décide quand elle est bienveillante et quand elle impose la morale. L’émission commence comme une interview de Ardisson, puis elle aborde des thématiques présentes dans les romans de Guillaume Dustan. L’usage récréatif des drogues. L’homophobie, à travers l’insulte. La condition féminine par le prisme de l’homosexualité. L’amour sans préservatif, ce qui va provoquer la rébellion de Guillaume face à cette émission faussement idéale.

— Durant le Festival, vous jouez également dans Pronom, une pièce de Evan Placey mise en scène par Guillaume Doucet, où est abordé le thème de la transidentité, à l’âge de l’adolescence. Dans vos choix de pièces, que cela soit à la mise en scène ou au jeu, y a-t-il une forme de militantisme de votre part ?

— Ce que je trouve formidable dans Pronom, c’est la légèreté, celle d’une comédie romantique, avec laquelle est traité le sujet. La légèreté et l’humour sont de très bons moyens de militer. Mais il ne s’agit pas de passer un message, ce serait horrible, je suis contre ça. Je trouve déjà merveilleux de représenter un personnage transgenre d’une manière positive et lumineuse, un adolescent qui a les préoccupations habituelles d’un adolescent. »

2 JUIN 2019 | PAR WALTER GÉHIN