PEAU D’ÂNE – LA FÊTE EST FINIE

La vision unique produit des illusions bien pires que la double vision ou les monstres à plusieurs têtes.

Donna Haraway

Au départ, il y a Camille Kouchner, que nous entendons à la radio, elle présente son livre Familia Grande – autopsie d’un inceste (1) qui décortique les mécanismes du silence qui entoure ce crime : «J’avais 14 ans et j’ai laissé faire. J’avais 14 ans, je savais et je n’ai rien dit».
Et puis il y a des milliers de victimes d’inceste présumées qui témoignent sur Twitter sous le hashtag «#METOOINCESTE».

On pense à Peau d’Âne.
On lit le conte, chez Perrault, chez les frères Grimm.
On regarde le film de Jacques Demy.
On se demande, pourquoi alors que Cendrillon, Blanche Neige ou Pinocchio sont adaptés au théâtre ou au cinéma, Peau d’Âne ne l’est pas (2) ?
Omerta sur le sujet ?
Silence imposé par l’ordre social ?
Le tabou de l’inceste, résiderait t-il dans l’interdiction d’en parler et même de l’entendre plutôt que dans l’interdiction de le commettre ?
Et Peau d’Âne, le conte troué par le réel, par l’actuel s’impose à nous.

Si nous lisons dans Peau d’Âne, l’histoire du bon roi père de famille qui devenu veuf veut épouser sa fille, nous lisons aussi l’histoire bouleversante d’une enfance forcée à s’achever. Immédiatement, nous apparaît le conte et l’anti-conte. C’est-à-dire l’histoire dicible que l’on se raconte de génération en génération, celle qui peut être entendue, et l’autre, indicible, reléguée dans les grandes armoires de familles et sous les immenses tapis.

Et c’est exactement là, au point de jonction entre le désir de raconter et l’injonction à ne pas raconter que se situe l’histoire de Peau d’Âne, l’histoire d’une jeune fille qui refuse d’être “la petite femme” de son père, et fuit sa famille et son milieu d’origine.